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« Les synergies rendent la science fascinante »

Lorsqu’il voit une goutte d’eau, Lukas Baumgartner se souvient aujourd’hui encore de son travail de terrain au Chili. Les images de cascades coulant à l’envers dans le parc national de Torres del Paine sont inoubliables pour lui. Tout aussi exceptionnelle est sa collaboration à la feuille de route géosciences. Le projet a bousculé la communauté et c’est très bien ainsi. Une recherche fascinante ne peut naître qu’à partir de synergies.

 

Auteure : Esther Lombardini

© source de l'image: Annette Boutellier

Quand je pense à des gouttes d’eau ou des cascades, la première chose qui me vient à l’esprit est mon travail de terrain en Patagonie. Dans le parc national de Torres del Paine, j’ai vu pour la première fois comment des cascades coulaient vers le haut. Cela est possible grâce au vent. C’est l’association que je fais le plus souvent quand je pense à des gouttes d’eau. Quand une chute d’eau coule à l’envers, le phénomène est spectaculaire. Torres del Paine est d’ailleurs l’un de mes endroits préférés dans le monde, car j’y ai observé la plus belle des géologies. Les Alpes suisses sont aussi fascinantes, mais plus familières. Des souvenirs uniques me lient avec le Chili car le travail de terrain est une composante importante de ma vie.


L’année passée, nous avons achevé la feuille de route géosciences pour le SEFRI. Cela a été une expérience particulière pour moi, car le rapport a été élaboré dans un processus bottom-up. J’ai d’abord dû convaincre mes collègues que nous aurions plus de succès en travaillant ensemble et en créant des synergies. Lorsque des organisations et différentes spécialisations se mettent ensemble, cela donne naissance à une science fascinante. Les collaborations sont inéluctables pour la science de pointe. Mais dans le même temps, on perd une grande liberté dans la recherche. Il faut encore s’y habituer.

 

L’une des plus grandes différences est celle entre la géologie traditionnelle et les « nouvelles » géosciences liées à l’environnement. Ces dernières se sont fortement développées ces 30–40 dernières années. Lorsque l’on réunit ces deux courants, cela provoque un désaccord sur la répartition des ressources et la fixation des priorités. Les nouvelles géosciences misent beaucoup sur le monitoring, car des changements en temps réel peuvent être mesurés. À la station du Jungfraujoch, nous mesurons ainsi la chimie atmosphérique, les précipitations, les changements de pression, etc. Les données sont alors intégrées dans des modèles climatiques qui sont par exemple élaborés par le Centre Oeschger de l’Université de Berne ou l’Institut Paul Scherrer. Le schéma de pensée est différent quand on mesure ce qui se passe maintenant.


Un autre aspect est ce que j’appellerais la géologie CSI (CSI pour Crime Scene Investigation). Il s’agit d’événements dans le passé auxquels nous n’avons pas assisté. Nous parlons ici de période de temps s’étalant sur des milliers et des milliards d’années. Ce que l’on nomme chez nous « deep time ». Il s’agit là presque d’une science forensique, parce que nous cherchons à comprendre ce qui s’est passé il y a longtemps. Des processus chimiques et physiques sont examinés. Cela ne nécessite pas seulement une autre façon de procéder, mais englobe aussi une autre communauté de géologues. Et ces différentes communautés ne sont guère reliées.

 

Afin de parvenir à une vision commune dans cette feuille de route et à s’entendre sur l’intégration des géosciences, j’ai dû avec Werner Eugster – mon compagnon d’arme dans cette aventure – tout d’abord convaincre les communautés du bien-fondé de cette démarche. C’était la première fois qu’un tel projet était mis sur pied au sein des géosciences. Rétrospectivement, cela a valu le coup. Nous avons publié un formidable rapport qui présente les composantes importantes des géosciences. Je ne peux qu’espérer que les instances politiques le prennent elles aussi au sérieux. Nous pouvons être fiers du résultat. Sans l’enthousiasme des scientifiques et l’engagement des collaborateurs·trices de la SCNAT, cela n’aurait pas été possible.

Cet article a été publié dans le rapport annuel 2021 des Académies suisses des sciences.

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